Pourquoi les Français devraient se sentir plus riches que les Américains

L'économiste Jean-Marc Germain a élaboré un indicateur appelé "PIB ressenti" permettant d'évaluer la richesse en prenant en compte les inégalités de revenus. À l'aune de cet outil statistique, les Français pourraient se considérer plus riches que les Américains.

L’économiste Jean-Marc Germain, ancien député PS et chargé de mission à l’Insee, a créé un indicateur appelé « PIB ressenti ». Il estime que ce dernier est plus important en France qu’aux États-Unis. Explications.

 

« Et si nous avions tort de nous considérer comme moins riches que nos amis d’outre-Atlantique ? C’est le pari lancé par Jean-Marc Germain. Cet ancien député PS, et actuellement chargé de mission à l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), a développé un indicateur baptisé « PIB ressenti », qu’il tient à distinguer du PIB (produit intérieur brut) classique, habituellement utilisé pour évaluer la richesse d’un pays ou d’une population, qu’il estime biaisé. Comment fonctionne ce PIB ressenti ? Quelles sont les conclusions ?

 

1. Quel objectif ?

L’objectif affiché de l’économiste, interrogé par Le Figaro, est de traduire les inégalités de revenus au sein d’un même pays. Le PIB en effet est souvent perçu comme une entité abstraite, éloignée de la réalité. L’objectif est donc de comprendre le véritable pouvoir d’achat global de la population, en tenant compte des inégalités de revenus.

 

2. Quelle méthode ?

L’économiste considère que trois biais peuvent être écartés du PIB classique. Premièrement, même s’il est communément admis, le PIB par habitant (diviser le PIB par le nombre d’habitant) n’est pas systématique. Or, selon lui, le PIB n’est pertinent que lorsqu’il prend en compte ce nombre d’habitant. Le PIB d’un pays n’est ainsi pas ressenti pareil s’il concerne 70 millions de personnes (comme en France) ou plus de 300 millions (comme aux États-Unis). De même, lorsque le gouvernement annonce 1 % de croissance économique dans notre pays, il faut prendre en compte l’augmentation de la population ; si elle est de 0,5 % sur la même période, la croissance ressentie ne sera que de 0,5 %.

Deuxième biais relevé par Jean-Marc Germain : l’inégale répartition de la croissance globale sur l’ensemble de la population. L’économiste reprend ici le concept de « croissance démocratique », emprunté d’autres économistes. Il faut donc selon lui regarder la croissance pour chaque centile (un pour cent) de la population, afin de trouver le « PIB démocratique ». Ce dernier permet d’éviter de donner davantage de poids aux gens les plus riches.

Enfin, l’économiste calcule le « PIB utile ». Pour résumer, il estime que 100 euros n’apportent pas la même satisfaction pour quelqu’un gagnant 1 000 euros que celui qui gagne 10 000 euros. Ainsi, la même croissance n’a pas la même « utilité » pour tous.

 

3. Quelles conclusions ?

Aux États-Unis, la croissance, qui a triplé de volume en quarante ans, entre 1980 et 2020, ramenée au PIB par habitant, n’a été que de 80 %. Si on ajoute le concept de « croissance démocratique », elle est ramenée à 45 %. Par an, le PIB des États-Unis a augmenté de 2,7 % par an, de 1980 à 2020. Mais seulement de 0,5 % en PIB ressenti. En France, le PIB a augmenté de 1,7 % par an en moyenne sur la même période. Mais en ressenti, il a progressé de 1,1 %. En 2020, il était de 29 826 euros par an en France, contre 28 390 par an aux États-Unis. Un Français peut ainsi s’estimer plus riche qu’un Américain. »