L'allongement inégal des scolarités

Cet article de l'Observatoire des inégalités permet d'aborder la question des inégalités de durée de scolarité entre les jeunes et leur impact sur le capital humain. 

Le graphique sous forme interactive, ainsi que les données précises correspondantes, sont visualisables sur la version en ligne de l’article.

Les 10 % d’élèves sortis le plus tôt du système scolaire ont au maximum 17 ans, contre près de 26 ans pour les 10 % sortis le plus tard. Les inégalités de durée de scolarité sont stables depuis 15 ans mais elles ont fortement augmenté entre le milieu des années 1980 et celui des années 1990.

« Pour mesurer les inégalités de durée de scolarité, on classe les jeunes en fonction du nombre d’années passées à l’école. Ainsi, les 10 % le moins longtemps scolarisés ont quitté l’école au plus tard à 17,2 ans. Les 10 % le plus longtemps scolarisés ont quitté l’école au plus tôt à 25,6 ans, selon les calculs réalisés par le sociologue Pierre Merle pour l’Observatoire des inégalités, d’après les données du ministère de l’Éducation nationale. Huit ans d’écart séparent ces deux catégories.

Entre le milieu des années 1980 et 2018, l’âge de sortie du système scolaire s’est accru de 3,4 années pour le dixième qui a passé le plus de temps à l’école (de 22,2 à 25,6 ans), contre 1,5 année (de 15,7 à 17,2 ans) pour le dixième au parcours le plus court. 8,4 années d’enseignement minimum séparent ces deux groupes, contre 6,5 années au milieu des années 1980.

Cette période longue est marquée par trois grandes phases. Tout d’abord, entre le milieu des années 1980 et celui des années 1990, les scolarités se sont allongées pour tous, mais bien davantage en haut de la hiérarchie qu’en bas : l’âge maximal des 10 % sortis le plus tôt de l’école a progressé d’un an et demi, quand celui des 10 % sortis le plus tard s’élevait de près de trois ans. Ensuite, entre le milieu des années 1990 et le milieu des années 2000, l’âge de sortie du système scolaire a stagné pour ceux qui ont quitté l’école le plus tôt et a continué à progresser – mais moins rapidement – en haut de l’échelle. Enfin, l’âge de sortie des études a stagné pour tout le monde au cours de ces 15 dernières années : aujourd’hui, les 10 % d’élèves qui quittent l’école le plus tôt sortent du système scolaire au plus tard à 17,2 ans, contre à 25,6 ans au minimum pour ceux qui terminent le plus tard.

Ces écarts en disent long sur le terme de "jeunesse" qui regroupe des jeunes dont les parcours et les modes de vie sont très différents. Les jeunes qui quittent l’école de façon précoce sont beaucoup plus souvent des enfants de milieux populaires. Leur faible niveau de de diplôme rend leur entrée sur le marché du travail difficile. Elle est souvent marquée par les stages, la précarité ou le chômage. Les enfants aux scolarités longues (le plus souvent de milieux plus favorisés) bénéficient plus longtemps que les autres de l’argent public investi dans l’école : une année d’études supérieures coûte environ 9 000 euros par an. Ils connaissent beaucoup moins de difficultés pour s’insérer ensuite et leurs conditions de travail sont bien plus favorables. Il faudrait bien sûr compléter ces données avec d’autres concernant le type de scolarité : pour une même durée, tous les diplômes ne permettent pas d’accéder aux mêmes positions sociales. »