Un cartel du yaourt soupçonné d'entente sur les prix

Une dizaine de fabricants de produits laitiers est dans le collimateur de l'Autorité de la concurrence, qui les soupçonne notamment de s'être entendus sur les prix, une pratique parfaitement illégale.

 

Après le cartel des lessives et celui du shampoing, y a-t-il également un cartel du yaourt en France ? Réunions dans des hôtels ordinaires de région parisienne ou en province, carnet secret, téléphone souscrit au nom de la compagne d'un des participants : tous les éléments d'une entente tacite sont là, révèle ce mardi Le Figaro.

Selon le journal, l'Autorité de la concurrence enquête même depuis plus de trois ans sur plusieurs fabricants de produits laitiers frais, dont Lactalis, Yoplait, Novandie et Senoble, soupçonnés de s'être concertés sur des prix et la répartition du marché.L'Autorité de la concurrence a simplement indiqué qu'« une décision sera rendue dans quelques semaines » sur cette affaire, se refusant à faire le moindre commentaire d'ici là. Plusieurs indices font pourtant soupçonner la constitution d'un «cartel du yaourt», affirme Le Figaro, qui a consulté un document recensant les griefs reprochés aux producteurs par l'Autorité.

Entente sur les prix et les volumes

Selon ce document, « des échanges d'informations sensibles » ont permis aux grands producteurs ainsi qu'à des PME comme Laïta, Les Maîtres laitiers du Cotentin ou Alsace Lait, « une concertation destinée à coordonner leurs politiques tarifaires et commerciales », constituant de fait un cartel et une entente sur les prix des produits laitiers frais qui étaient vendus à des distributeurs sous leur propre marque (MDD).Ils sont notamment accusés « d'avoir défini en commun des hausses de prix, de s'être coordonnés sur la chronologie d'application de ces hausses et de s'être coordonnés sur les argumentaires développés pour justifier ces hausses ». Ils auraient aussi passé « un accord anticoncurrentiel sur la fixation des volumes en s'abstenant de capter des marchés détenus par des sociétés concurrentes ».

Clémence pour les dénonciateurs

L'enquête sur les yaourts aurait débuté en août 2011 au moment où Yoplait (Panier, Calin, Perle de Lait...) est venu dénoncer l'entente à l'Autorité, afin de bénéficier de la procédure de clémence que celle-ci accorde aux sociétés prêtes à dénoncer des pratiques frauduleuses leur permettant ainsi d'échapper pour tout ou partie à une sanction financière. Cette révélation a donné lieu à des perquisitions aux sièges des entreprises incriminées au printemps 2012. Peu de temps après, Senoble aurait lui aussi livré des documents à l'Autorité pour bénéficier lui aussi de la procédure de clémence, selon Le Figaro. Le cartel aurait duré entre 2006 et 2012 et portait principalement sur un accord visant à définir en commun les prix lors des appels d'offres de la part des distributeurs pour la production de leurs MDD, permettant aux sociétés en question de se partager le marché. Mais dans un contexte de concurrence acharnée entre distributeurs pour obtenir des prix toujours plus bas et de fortes variations des cours du lait, elle a fini par tourner court, certains des participants ne respectant pas toujours les termes des accords conclus, affirme Le Figaro.

Des sanctions probables

Selon le quotidien, les industriels se sont défendus devant l'Autorité lors d'une réunion en novembre 2014 mais n'ont, semble-t-il, pas entièrement convaincu puisque l'organisme « s'apprête à sanctionner une petite dizaine » de fabricants.Ils s'exposent à une amende, qui devrait toutefois « être bien moindre que celles infligées aux producteurs de shampoings et de lessives », avance Le Figaro. En décembre 2014, l'Autorité avait infligé une amende record de 950 millions d'euros à l'encontre des géants des secteurs de l'entretien/hygiène/beauté, pour une entente commerciale sur les prix entre 2003 et 2006. En 2011, dans une autre décision des Sages de la rue de l'Échelle, trois fabricants de lessives s'étaient vu infliger par l'Autorité une amende de 361 millions d'euros pour s'être concertés pendant six ans sur leur prix et promotions.