Plan de relance : quels seront les moyens de contrôle et les contreparties demandées par le gouvernement aux entreprises ?

Le gouvernement français a présenté le 3 septembre 2020 un plan relance de l'économie d'un montant de 100 milliards d'euros destiné à stimuler l'activité économique en réponse à la crise économique provoquée par le coronavirus. Quelles sont les contreparties demandées aux entreprises bénéficiaires de ce plan ?

Un cadeau un peu trop gros ? Le plan de releance de 100 milliards d'euros dévoilé jeudi 3 septembre par le gouvernement comprend un budget de 35 milliards d'euros pour la relocalisation industrielle, la compétitivité et l'innovation des entreprises. Une enveloppe généreuse qui ne s'accompagne pas de suffisamment de garanties, estiment l'opposition de gauche et les syndicats, ainsi que les associations environnementales. Franceinfo vous détaille ce que le gouvernement attend des entreprises comme contreparties des aides versées, et quels moyens de contrôle il entend mettre en place.

 

"Ce n'est pas un cadeau aux entreprises"

« Selon le Premier ministre, Jean Castex, la conception même des mesures d'aide aux entreprises impose à ces dernières des contreparties. Par exemple, les entreprises bénéficiant des aides de l'État à la rénovation du bâti hospitalier "vont produire du travail" en améliorant le bâtiment, c'est-à-dire… une forme de "contrepartie". Idem pour l'aide à l'embauche d'apprentis ou de jeunes, qui ne sera versée… que s'il y a embauche. 

 

"La seule mesure" qui ne fasse pas l'objet de ce type de contreparties, "ce sont les baisses des impôts de production", a reconnu Jean Castex, ajoutant dans la foulée que celles-ci bénéficieraient principalement aux "TPE, PME et ETI" (très petites entreprises, petites et moyennes entreprises, entreprises de taille intermédiaire). "Ce n'est pas un cadeau aux entreprises, a promis le Premier ministre. C'est un cadeau à la France pour relancer l'économie et lutter contre le chômage." En clair, selon lui : ce qui bénéficie aux entreprises en allégeant leurs charges bénéficiera à la relance de l'emploi, et donc in fine aux Français.

 

Des "contreparties" définies par les députés

Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a de son côté indiqué que des "contreparties" seraient tout de même définies pour "un certain nombre de dispositifs" lors des débats parlementaires, à l'automne. Parmi celles-ci, il a évoqué "le respect de l'environnement", "la gouvernance (par l'égalité femmes-hommes dans l'entreprise)", "l'intéressement et la participation" des salariés. Concernant l'emploi, la ministre du Travail, Élisabeth Borne, a de son côté mentionné des "clauses dans les marchés publics" et "des engagements des entreprises et des branches" sur le recrutement de jeunes, notamment dans les quartiers défavorisés, et d'apprentis.

"Contreparties, ça n'est pas conditionnalités", a néanmoins rappelé Bruno Le Maire. Les entreprises n'auront donc pas à montrer patte blanche avant de pouvoir accéder à un dispositif, mais devrons "joue[r] le jeu" après avoir reçu les subsides de l'État. "Les conditions, c'est un frein au succès du plan de relance", avait-il justifié la veille, lors d'un échange avec des journalistes. En cas de non-respect de ces contreparties, le gouvernement pourrait néanmoins pratiquer le "name and shame", a appris Franceinfo de source gouvernementale – une pratique anglo-saxonne qui consiste à dénoncer publiquement une entreprise qui se comporte mal.

Afin de vérifier l'avancement des objectifs gouvernementaux, "un tableau de bord des projets dans les territoires et des indicateurs de suivi sera régulièrement rendu public", promet le dossier de presse du gouvernement. Ce tableau de bord devra faire figurer "le taux de décaissement [la part des fonds alloués qui a été utilisée], la réduction de CO2, le nombre de rénovations énergétiques et de création d'emplois", a précisé Bruno Le Maire. Par ailleurs, "par souci de transparence, le Premier ministre s'est engagé à ce que soit rendu compte au Parlement de l'exécution du plan de relance tous les deux mois", précise le gouvernement.

 

Des "effets d'aubaine"

Mais ce mécanisme de donnant-donnant non contraignant ne convainc pas l'opposition de gauche et certains syndicats. Traumatisés par le Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), une remise d'impôts créée par François Hollande et dont l'effet sur l'emploi a été jugé "modeste", ils demandent des garanties au versement des aides.

Le dirigeant de la CGT, Philippe Martinez, regrette par exemple que l'aide à l'embauche des jeunes de moins de 26 ans (jusqu'à 4 000 euros pour un an de contrat) ne soit "pas conditionnée à une embauche en CDI", mais simplement à un CDD de trois mois minimum. "On a donné de l'argent à Air France, à Renault [via notamment des prêts garantis par l'État], c'est quoi la conséquence ? C'est des suppressions d'emplois. Ça va servir à ça les aides publiques ?" a-t-il renchéri, alors que les deux groupes ont annoncé d'importantes réductions d'effectifs du fait de la crise. "On aurait aimé zéro licenciement", a de son côté déclaré le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel.

Pour El Mouhoub Mouhoud, professeur d'économie à l'université de Paris Dauphine interrogé par l'AFP, les "aides directes aux entreprises", notamment pour les aider à relocaliser leurs activités en France, "engendrent des effets d'aubaine". En effet, "le jour où les aides finiront, les groupes repartiront", redoute l'économiste.

Enfin, le manque de contreparties environnementales suscite aussi les critiques des écologistes. "Les potentielles avancées [...] risquent d'être rapidement annulées par toutes les aides supplémentaires prévues dans les secteurs polluants, sans aucune contrepartie", déplore Cécile Marchand, des Amis de la Terre. »