Le marché de l'édition perturbé par l'augmentation du prix du papier

La reprise économique suite à la crise sanitaire a engendré une hausse du prix du papier. Dans ce contexte, les éditeurs sont soumis à une hausse des coûts de production. Quel peut-être l'impact de la "crise papetière" sur le prix des livres ?

 

« Vous prévoyiez d’offrir à votre tante L’enfant de salaud, de Sorj Chalandon, le soir du réveillon ? Ou bien le dernier Goncourt, La plus secrète mémoire des hommes, de Mohamed Mbougar Sarr, à votre meilleur ami ? Bonne idée… Mais encore faudra-t-il que ces livres soient en rayons. Car à l’instar de nombreuses autres matières premières, le marché du papier est en forte tension, laissant craindre des pénuries. L’industrie du livre sera-t-elle alors prête pour la période de Noël ?

 

"Oui, il y a eu une pénurie de papier"

De l’auteur à l’éditeur, en passant par le papetier et l’imprimeur – sans oublier le distributeur –, il s’agit de « rendre possible la chaîne de valeur du livre », annonce Hubert Pédurand, directeur général de la Nouvelle Imprimerie Laballery, à Clamecy (Bourgogne-Franche-Comté). Une chaîne perturbée, on l’a dit, par la crise papetière à l’œuvre.

Alors que la demande en papier a grimpé en même temps que la relance des économies mondiales, ce marché conserve la marque d’une pandémie qui a bousculé les habitudes et a souri à certains secteurs. "Le Covid-19 est devenu le meilleur ami de l’emballage", fait remarquer Hubert Pédurand. Avec la crise sanitaire, les commandes en ligne ont explosé. Et donc les besoins en carton. "Le bois a été extrêmement sollicité", poursuit l’homme d’affaires. Si bien que pendant la crise sanitaire, les fournisseurs brésiliens de pâte à papier [parmi les principaux producteurs au monde] ont saisi cette occasion. "Les papiers destinés à l’édition de livres nécessitent une transformation qui coûte cher, et les fournisseurs brésiliens ont fait des choix, résume Hubert Pédurand. Oui, il y a eu une pénurie de papier".

Et qui dit pénurie dit allongement des délais de livraisons, aggravés par ailleurs par les restrictions sanitaires liées à la pandémie. "Les papetiers français, nordiques, allemands, mettent deux à trois fois plus de temps pour livrer aux imprimeurs, constate Paul-Antoine Lacour, délégué général de la Confédération française de l’industrie des papiers, cartons et celluloses (Cocapel). Concrètement, on passe de trois semaines à six semaines, voire deux mois", ajoute-t-il. En ce qui concerne les commandes passées aux maisons d’éditions, des retards sont également constatés. "Nos clients sont des particuliers, des libraires classiques, et des auteurs", explique Guy Migrenne, cofondateur du Lys Bleu Editions, éditeur indépendant. Il constate un retard de "6 à 10 jours ouvrés".

 

Les romans et livres de poches épargnés

D’où la question de départ : et pour Noël ? Les stocks actuels en librairies viennent contredire l’idée d’une pénurie. "Pour les livres et romans de poche, dont la manufacture est industrielle, je ne vois pas de danger pour les fêtes de fin d’année", rassure Hubert Pédurand. En revanche, pour ce qui est des livres plus travaillés, comme des livres de cuisine, de photos, ou encore pour enfants, des retards dans les livraisons sont constatés. Noémie travaille dans la librairie La 25e Heure, dans le 15e arrondissement de Paris. "La livraison des commandes d’albums jeunesse que nous avons passées récemment ont quelques semaines de retard, car elles sont bloquées en Chine", reconnaît-elle.

En outre, le papier utilisé pour imprimer de « beaux » livres n’est pas semblable à celui utilisé pour imprimer des romans de poche. Le "papier fin pour la Pléiade – collection publiée par les éditions Gallimard – n’est pas le même que pour les  bandes dessinées", illustre Paul-Antoine Lacour, de la Cocapel.

 

Pas de hausse de prix en vue

Moins d’offre, des prix en hausse de 15 à 35 % selon les références… Confrontées à la nouvelle grille tarifaire des imprimeurs, les petites et moyennes maisons d’édition sont à la peine. Mais les grandes maisons d’édition, assure Hubert Pédurand, ont pu s’adapter. "Hachette, Editis ou encore Médias-Participations ont été capables de supporter cette inflation [...], confirme-t-il. Les gros groupes, qui éditent 60 à 70 % des livres sur le marché, ne seront en rien confrontés à une pénurie jusqu’à la fin de l’année".

Les Français pourront donc faire plaisir à leurs proches avec un bon bouquin. Et sans payer plus cher que les années précédentes. "Ne portons pas de jugement hâtif sur cette période, conclut Hubert Pédurand. Attendons les données de 2022 pour évaluer si les tensions se transforment en véritable crise." »