La pauvreté se stabilise en France

Les dernières statistiques sur la pauvreté confirment que le taux de pauvreté en France a tendance à se stabiliser. Comment peut-on appréhender l'évolution de la pauvreté sur les vingt dernières années ? Quel impact l'inflation peut-elle avoir sur la pauvreté ?

Des graphiques sous forme interactive, ainsi que les données précises correspondantes, sont visualisables sur la version en ligne de l’article.

 

 

 

« La France compte 4,8 millions de pauvres si l’on fixe le seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian1 et 8,9 millions si l’on utilise le seuil de 60 %, selon les données 2020 (dernière année disponible) de l’Insee. Dans le premier cas, le taux de pauvreté (la part de personnes pauvres dans la population) est de 7,6 % et dans le second, de 13,9 %. Quelle que soit la définition que l’on utilise, les niveaux sont importants.

Les courbes de la pauvreté, pour peu qu’on prenne un peu de recul, montrent que la part de la population pauvre dans la population totale est assez stable depuis une vingtaine d’années. Les données de l’année 2020 doivent être considérées avec beaucoup de précautions car l’Insee, lui-même, ne "valide" pas ses propres chiffres. D’une manière générale, il faut se méfier des variations annuelles, très commentées, mais qui peuvent résulter de changements de méthode de l’enquête de l’institut, autant que de l’évolution des revenus. Quels que soient les seuils qu’on utilise, le taux de pauvreté de 2019 est quasiment identique à celui de 1996 et a oscillé dans une fourchette d’un demi-point de pourcentage. On peut nuancer ce constat en prenant des valeurs extrêmes : le taux de pauvreté à 60 % était à son point le plus bas en 2004 (12,7 %) et il est de l’ordre de 14 % à la fin des années 2010. Ce qui n’est pas rien.

La population pauvre augmente, en gros, au rythme de la population totale. Au seuil à 50 %, on comptait quatre millions de pauvres au début des années 2000, ils sont 800 000 de plus en 2020. Au seuil à 60 %, le nombre a augmenté de plus d’1,2 million. Il y a là matière à inquiétude. Évolution en pourcentage ou en nombre, que retenir ? Tout dépend de ce que l’on cherche à mesurer. D’un côté, le rapport entre des catégories de revenus. De l’autre, un nombre de personnes, des situations.

Au fond, réfléchissons à ce que l’on mesure. Le seuil de pauvreté est calculé en fonction du niveau de vie médian : il est fixé le plus souvent à 50 % ou 60 % de ce montant. C’est un indicateur d’inégalité, pas de pauvreté absolue2. Quand le taux de pauvreté se stabilise, cela veut dire que, dans le temps, la même proportion de population vit à l’écart de la norme de revenus des classes moyennes. Cela signifie que les inégalités ne diminuent plus en bas de la hiérarchie des revenus, contrairement aux années 1970 où les plus pauvres se rapprochaient de la norme des classes moyennes. Au fond, notre société n’est pas marquée par l’explosion des écarts, mais plutôt comme figée. Et ce changement profond, de décennies de convergence à une longue période de maintien à distance des pauvres, est marquant.

Que s’est-il passé depuis 2000 ?

Il est très difficile de préjuger de l’évolution de la pauvreté depuis 2020, année des dernières données disponibles de l’Insee. Certes, le chômage continue à se réduire, ce qui devrait avoir un impact positif : une partie des personnes pauvres voient leurs revenus augmenter avec l’accès à l’emploi. Mais notre pays est marqué par un retour de l’inflation. A priori, les plus bas revenus devraient globalement être protégés de la hausse des prix si les prestations sociales et le smic sont bien augmentés du même pourcentage que l’inflation. Mais la hausse des prix alimentaires et de l’énergie a un impact très différent selon les ménages : ceux qui se déplacent beaucoup et dont les logements sont mal isolés notamment vont subir de fortes baisses de pouvoir d’achat. Surtout, les personnes avec de bas revenus qui ne sont pas indexés sur les prix : par exemple, les salariés situés au-dessus du smic mais en temps partiel, les travailleurs indépendants précaires, ceux qui vivent du soutien d’associations, de la famille ou d’amis. Même si on le mesure mal et qu’il est très inégal selon les ménages, le retour de l’inflation est un changement majeur et il aura un impact. »