La fin de la politique de modération salariale en Allemagne

Jean-Marc Chardon nous propose un billet économique sur la fin de la politique de modération des salaires en Allemagne et son impact sur la zone euro.

 

L’Allemagne est-elle en train de tourner une page de son histoire salariale ? C’est ce qui ressort du dernier diagnostic de la Banque centrale allemande. Elle assure que l’ère de la modération salariale est terminée. C’est déjà un fait : outre-Rhin, coup sur coup, dans le privé puis dans le public, les salariés viennent d’obtenir des hausse salariales importantes : 4,3 % au premier trimestre après plusieurs séries de grèves à l’initiative du syndicat IG Metall et, voilà quelques jours, dans la fonction publique, ce sont des hausses qui représenteront une progression salariale de plus 3 % cette année et autant l'an prochain. Nettement plus que l'inflation.

Ces hausses de salaires représentent des moyennes. Ce sont les travailleurs des hôpitaux, des gares, des aéroport et crèches qui en seront les premiers bénéficiaires. Plus de 2 millions de personnes dans la fonction publique allemande.

Tous les secteurs ne seront pas à la fête pour autant, notamment dans le bâtiment, mais c’est bien l’impulsion du privé qui a joué par ricochet sur le secteur public, et cela en l’espace de quelques mois. La multiplication de « grèves d'avertissements », le plus souvent des débrayages de quelques heures, y est pour quelque chose.

 

D’après la Banque centrale allemande, ces augmentations devraient avoir un effet d’entraînement sur la zone euro

Et cela est nouveau : que la politique salariale allemande tire celle de ses voisins européens. Ce fut le contraire pendant la décennie qui a précédé, les années 2000 où la politique salariale outre-Rhin a été montrée du doigt, qualifiée de désinflation salariale… Sensée être un levier de compétitivité par les coûts.

Et cela a participé à une politique commerciale qui en gagnant des parts de marché n'a cessé de gonfler ses excédents par dizaines de milliards…On observe donc, maintenant, un phénomène de rattrapage sur les salaires avec les autres États de la zone euro.

 

Cela devrait relancer les appels à accorder des hausses de salaires en France

Quand bien même les situations ne sont pas analogues, et que les comparaisons salariales restent toujours très difficiles à effectuer. Des salaires bruts qui peuvent être supérieurs à ceux de la France, mais pas toujours en net d’impôts, et des comparaisons rendues difficiles aussi par les cotisations sociales nettement plus élevées dans l’hexagone.

Enfin, un marché du travail qui, s’il est au mieux de sa forme en Allemagne, quasiment en régime de plein emploi, compte aussi beaucoup plus de travailleurs à faible rémunération et donc des écarts de salaires plus étendus.

Tout cela rend difficiles des comparatifs sommaires, mais pour les Européens, le fait que l’Allemagne renoue avec une politique de hausses de salaires est plutôt une bonne nouvelle. Car cela devrait susciter un regain de consommation qui pourrait se répercuter sur les achats de produits vendus par les Européens.