En France, pourquoi l’ouverture à la concurrence des trains voyageurs patine

Cet article de Ouest permet de faire le point sur l'ouverture à la concurrence du trafic ferroviaire de voyageurs, quatre ans après l'adoption de la loi. Pour le moment, l'ouverture à la concurrence est dans l'impasse, pour plusieurs raisons.

« L’activité ferroviaire est en forte reprise cet été [été 2022]. C’est l’occasion de se demander où en est l’ouverture à la concurrence du trafic voyageurs. Voici les trois raisons qui font que ça patine.

 

Une procédure complexe

Hormis l’arrivée de l’italien Trenitalia, sur la ligne grande vitesse Paris-Lyon fin 2021, le bilan de l’ouverture à la concurrence du trafic voyageurs est maigre. La loi, qui a lancé le processus découlant de la réglementation européenne, date pourtant de 2018. Et les appels d’offres, mettant en concurrence la SNCF avec d’autres opérateurs, sont possibles pour les TER (gérés par les régions) et les Intercités (par l’État), depuis décembre 2019.

L’État a bien lancé un appel d’offres pour les Intercités Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon. Mais il l’a déclaré infructueux fin 2020, car seule la SNCF y a répondu. Plusieurs régions ont également lancé des appels d’offres. Un seul a pour l’instant abouti : la région Sud a confié à l’entreprise française Transdev l’exploitation, à partir de l’été 2025, des TER de la ligne Marseille-Nice.

Les processus sont longs. Pour rédiger les appels d’offres, les Régions ont besoin d’obtenir des informations techniques de la SNCF. Les Hauts-de-France s’y sont cassé les dents. "La SNCF n’a pas répondu aux demandes des Hauts-de-France", déplorait Bernard Roman, le président de l’Autorité de régulation des transports (ART), lors d’une audition au Sénat en février 2022. La Région a dû saisir l’ART. "Ce conflit a conduit la Région à retarder d’un an l’ouverture à la concurrence", souligne Bernard Roman. "SNCF Voyageurs s’est conformé à la décision de l’ART", ​assure aujourd’hui l’entreprise. "Et a fourni toutes les données demandées à la Région."

 

Un coût pour le contribuable

Opposés à l’ouverture à la concurrence, plusieurs syndicats de la SNCF pointent son coût pour le contribuable. "L’objectif était de baisser les coûts", note Didier Mathis, de l’Unsa. "Or, à l’issue des appels d’offres, ce sont les régions, donc le contribuable, qui supportent les investissements". ​Pour Marseille-Nice, la région Sud va financer l’achat de nouvelles rames à hauteur de 212 millions d’euros et un nouvel atelier de maintenance, pour 30 millions. "Si la SNCF avait été choisie, il n’y aurait pas eu besoin d’un nouvel atelier", note Aurélien Hamon, de la CGT. "Cela aurait généré des économies substantielles."

Mais le coût est également élevé pour les compagnies, qui doivent verser des péages à SNCF Réseau, en charge de la maintenance des 30 000 kilomètres de rails. "Sur Paris-Lyon, le péage varie de 26 à 39 € par train-kilomètre", calculait Roberto Rinaudo, le PDG de Trenitalia France, devant les sénateurs en février. "Sur un tronçon similaire comme Rome-Milan, il s’établit entre 6 et 8 €. "

Depuis, Trenitalia a obtenu une ristourne temporaire. À cela, s’ajoutent les difficultés d’accès aux rames d’occasion ou neuves. Cela n’empêche pas, toutefois, les projets de réouverture de lignes longue distance, comme ceux de Railcoop ou du Train.

 

Des répercussion sociales importantes

"Les cheminots, employés à plus de 50 % sur les lignes transférées, seront contraints de passer chez l’opérateur qui remporte l’appel d’offres", rappelle Didier Mathis. "D’ici à quinze ans, 25 000 des 145 000 cheminots pourraient être concernés."

"La SNCF elle-même répond aux appels d’offres via des filiales hors du groupe public unifié", poursuit le syndicaliste. "Or, qui dit filiale, dit renégociation de l’accord 35 heures."

Aurélien Hamon redoute lui aussi "une dégradation des conditions sociales. La SNCF doit répondre en direct aux appels d’offres et non via des filiales." »