La COP16 sur la biodiversité s'est achevée le 1er novembre 2024 à Cali en Colombie. Quel bilan peut-on tirer de ce sommet ?
La conférence COP16 biodiversité s'est achevée samedi dans la ville colombienne de Cali. Elle a échoué à obtenir un accord sur le financement de la feuille de route pour stopper la destruction de la nature d'ici 2030.
« La COP16 biodiversité s'est terminée samedi 2 novembre à Cali, dans l'ouest de la Colombie, sans atteindre son objectif de financer et stimuler les timides efforts de l'humanité pour cesser sa destruction de la nature.
Le grand accord sur le financement n'a pas été trouvé par la présidence colombienne de la COP16 biodiversité, malgré une nuit supplémentaire de négociations. "C'est fini", a déclaré samedi matin à l'AFP Susana Muhamad, la ministre colombienne de l'Environnement qui présidait la conférence, depuis la tribune où elle se congratulait avec ses équipes.
Après 10 heures de disputes nocturnes et quelques victoires remportées, le quorum n'était plus rempli, trop de délégués étant partis se coucher ou attraper leur vol de retour. "Bien sûr cela rend plus faible et plus lent le potentiel" du processus onusien, a déclaré Susana Muhamad. Mais "le gouvernement colombien s'est beaucoup mobilisé" et "au final, cela dépend des parties" (les pays), s'est-elle justifiée.
La clôture formelle des travaux de la COP16 est donc reportée à une date ultérieure, a expliqué David Ainsworth, porte-parole de la Convention sur la diversité biologique (CDB).
La plus grande des COP biodiversité, avec une affluence record de 23 000 participants, avait une mission centrale : stimuler la timide application de l'accord de Kunming-Montréal, scellé il y a deux ans pour sauver la planète et les êtres vivants de la déforestation, de la surexploitation, du changement climatique et de la pollution.
Cet accord prévoit de placer 30 % des terres et des mers dans des aires protégées, parmi 23 objectifs à atteindre d'ici 2030.
« Absence de progrès »
Pour y parvenir, l'accord prévoit de porter à 200 milliards de dollars les dépenses annuelles mondiales pour la nature. Et les pays développés se sont engagés à fournir 30 milliards de dollars d'ici 2030 (contre environ 15 milliards en 2022, selon l'OCDE). Mais comment mobiliser l'argent ?
Après 12 jours de sommet, ni les pays riches, menés à Cali par l'Union européenne, le Japon et le Canada, ni le monde en développement, Brésil et groupe Afrique en tête, n'ont fait un pas vers l'autre. Les premiers martelaient leur hostilité à la création d'un nouveau fonds pour la nature. Les seconds le réclamaient avec force, jugeant ceux existants inaccessibles et inéquitables.
C'est arrivé à ce point le plus dur des débats, samedi matin, que la présidence colombienne a constaté l'impasse et suspendu la conférence.
Cette bataille financière Nord-Sud doit toutefois reprendre le 11 novembre, dans l'autre COP, celle sur le climat, en Azerbaïdjan. Et portera sur des montants dix fois plus élevés.
"Ce signal négatif va retentir sur les autres négociations environnementales de la fin d'année (climat, plastiques, désertification), car il met en évidence un profond désaccord sur la possibilité même, politique et technique, de faire des transferts Nord Sud d'une manière entièrement différente", analyse Sébastien Treyer, du centre de recherche Iddri.
"L'absence de progrès sur la finance face à une perte de biodiversité sans précédent maintient le monde sur la voie de la destruction de la nature et de l'extinction des espèces", déplore pour sa part Brian O'Donnell, directeur de l'ONG Campaign for Nature.
D'autant qu'à Cali, les pays ont aussi échoué à adopter des règles ambitieuses et des indicateurs fiables censés vérifier la réalité de leurs efforts à la COP17.
Celle-ci se tiendra en 2026 en Arménie, qui en a obtenu la présidence au nez de son ennemi historique l'Azerbaïdjan, lors d'un vote inédit de la COP jeudi pour les départager.
Victoire pour les peuples autochtones
Les pays ont en revanche adopté à Cali l'institution d'un fonds multilatéral censé être abondé par les entreprises faisant du profit avec le génome numérisé de plantes (comme l'arôme de vanille) ou d'animaux des pays en développement.
L'efficacité de ce "Fonds Cali" reste incertaine, faute d'obligations claires. Mais il répond déjà à une demande historique forte des pays en développement pour payer la dette contractée par le Nord et ses entreprises pharmaceutiques ou de cosmétiques.
Un montant indicatif de 0,1 % des revenus ou de 1 % des bénéfices est suggéré par le texte. Placé sous l'égide de l'ONU, le fonds répartira l'argent récolté, moitié pour les pays, moitié pour les peuples autochtones.
Ces derniers ont enregistré une victoire historique : la création d'un organe permanent pour les représenter au sein de la Convention sur la diversité biologique (CDB), dont l'adoption a été saluée par des acclamations. "C'est un moment sans précédent dans l'histoire des accords multilatéraux sur l'environnement", s'est réjouie Camila Romero, des peuples Quechuas du Chili.
Malgré la menace de la guerilla et sous haute sécurité, la Colombie a réussi à faire du sommet l'occasion d'une immense fête populaire de la nature dans le centre-ville de Cali. »