Réforme fiscale : les chantiers ne manquent pas

Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé une « remise à plat » de la fiscalité. Quels sont les objectifs poursuivis ? Quelles sont les pistes de réforme ? Quelles questions posent-elles ?

Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé une « remise à plat » de la fiscalité. Quels sont les objectifs poursuivis ? Quelles sont les pistes de réforme ? Quelles questions posent-elles ? Fusion CSG-impôt sur le revenu C'était l'engagement no 14 du candidat Hollande. La fusion de ces deux prélèvements relève, en apparence, de la gageure. L'impôt sur le revenu (IR), dont le gouvernement attend 75 milliards d'euros de recettes fiscales en 2014, est progressif ; la CSG, pour un rendement supérieur à 93 milliards d'euros, est proportionnelle. L'IR, avec une assiette étroite, touche surtout les revenus du travail et est jonché de niches et d'abattements ; la CSG s'applique à (presque) tous les revenus. L'IR est calculé sur l'ensemble du foyer ; la CSG est individualisée. L'IR est prélevé l'année suivant les revenus déclarés ; la CSG est prélevée à la source. L'IR finance le budget de l'Etat ; la CSG, la protection sociale.Les questions qui se posent, dès lors, pour parvenir à une harmonisation sont multiples. A commencer par la pérennité du financement de la Sécurité sociale si les deux prélèvements étaient fusionnés et alimentaient directement les recettes de l'Etat. Plutôt que de se focaliser sur une fusion à marche forcée, il n'est pas interdit de procéder sur les deux fronts pour parvenir à asseoir ces deux prélèvements sur une assiette large, incluant l'ensemble des revenus, non grevée d'innombrables dérogations, tout en introduisant de la progressivité dans la CSG.

Redistributivité

Selon le Portrait social de la nation publié le 14 novembre par l'Insee, les prélèvements ajoutés aux prestations sociales permettent, globalement, de réduire de moitié les écarts entre le niveau de vie moyen des 20 % des personnes les plus aisées et celui des 20 % les plus modestes. Toutefois, cette réduction procède pour les deux tiers des prestations et pour un tiers seulement des prélèvements.En outre, le modèle retenu par l'Insee ne prend en compte, dans les prélèvements, que les impôts et cotisations directs. Or la TVA et les autres taxes indirectes pèsent bien plus lourd (plus de 170 milliards) que les autres impôts directs réunis. La fiscalité indirecte est nettement régressive par rapport au revenu disponible. Elle représente 20 % du revenu disponible pour les ménages du premier décile (les plus modestes) et seulement 9 % pour ceux du dernier décile (les plus aisés). Au final, l'écart entre les taux de prélèvements obligatoires au niveau du smic et pour le dernier décile est d'à peine 5 points. L'impôt devient même fortement dégressif pour le 1 % de la population le plus riche.

Quotient familial

La droite nourrit envers la gauche le soupçon de vouloir s'attaquer au quotient familial, instauré en 1945. Elle en veut pour preuve l'abaissement du plafond du quotient familial auquel elle a procédé, deux années de suite, en le portant de 2 336 à 2 000 puis à 1 500 euros par demi-part supplémentaire. Cette dernière décote du plafond a affecté 13 % des ménages, ceux dont les revenus mensuels sont supérieurs, par exemple, à 5 850 euros pour un couple avec deux enfants, sachant que les 10 % des ménages les plus aisés absorbaient un tiers de l'avantage octroyé par le quotient familial.Pour la droite, remettre en cause le quotient familial est tabou. A gauche, les partisans d'une « déconjugalisation » de l'impôt, c'est-à-dire que soit imposé chaque contribuable individuellement, et non le foyer fiscal, proposent de substituer au quotient familial un crédit d'impôt remboursable, quel que soit le revenu des parents, et partagé entre ceux qui ont la charge des enfants.Prélèvement à la sourceThéoriquement, la retenue de l'impôt à la source ne pose aucune difficulté technique. Elle est pratiquée par la quasi-totalité des pays de l'OCDE. L'individualisation de l'imposition et la simplification de l'IR, grâce à la suppression de trop nombreuses niches fiscales, devraient favoriser la mise en place de ce système, qui a l'avantage d'accélérer, pour l'Etat, la rentrée des recettes et, pour le contribuable, d'avoir plus de visibilité sur son revenu disponible. Même si la mensualisation relativise cet avantage. Les syndicats sont toutefois réticents à l'idée que l'employeur puisse avoir une vision de la situation fiscale du salarié. Il reste en outre à régler le problème du passage à un impôt perçu sur les revenus de l'année précédente à un impôt prélevé à la source.

Assiette

Une grande réforme fiscale ne peut faire l'économie de la question de l'assiette d'imposition des revenus du travail et du capital. Si la première loi de finances mise en œuvre par le gouvernement Ayrault a rapproché les taux d'imposition affichés des revenus du capital de ceux du travail, une large partie des revenus du capital continue de disposer d'une fiscalité dérogatoire et, au final, d'échapper à l'impôt.Les études de l'Institut des politiques publiques ont montré qu'un élargissement de l'assiette pourrait avoir un rendement de l'ordre de 4,5 milliards, 22 fois supérieur à ce qu'était censée rapporter la « taxe à 75 % » avant qu'elle ne soit retoquée.

Les autres chantiers abordés par l’article concernent les niches fiscales, l’impôt de solidarité sur la fortune, la question du barème de l’impôt, la fiscalité des entreprises et la fiscalité locale.