Présidentielle 2022 : une volatilité plus importante

Cet article permet d'analyser le phénomène de "volatilité électorale" et ses déterminants avant l'élection présidentielle d'avril 2022.

Pourquoi de plus en plus d’électeurs restent-ils indécis ?

« Il y a une caractéristique de la démocratie aujourd’hui : la volatilité de l’opinion et des électeurs. Quand on regarde les résultats de la nouvelle vague de notre panel électoral (Fondation Jean-Jaurès, Ipsos, Cevipof, Le Monde), il est frappant de constater que 23 % des électeurs ont changé d’avis en à peine trois semaines : ils ont soit modifié leur choix (je vais voter ou je m’abstiens) ou d’intention de voter (je passe d’un candidat à un autre). Deux raisons à cette indécision qui va durer jusqu’au dernier jour de la campagne. D’une part nous sommes entrés dans une société épidermique, où les émotions jouent un rôle central. Ainsi, un évènement, une déclaration, une attitude peut faire basculer un électeur d’un candidat à un autre. D’où le fait que les candidates et candidats doivent être vigilants jusqu’au dernier jour de la campagne pour éviter le faux pas. D’autre part, l’offre électorale est tellement éclatée sur l’ensemble de l’échiquier politique qu’il est plus facile pour un électeur aujourd’hui de passer d’un candidat à un autre : de Jadot à Mélenchon ou d’Hidalgo à Macron, tandis qu’un certain nombre hésiteront tout au long de la campagne entre Zemmour, Le Pen et Pécresse. L’éclatement de l’offre couplé à l’affaissement des idéologies rendent l’indécision et la volatilité plus importante que par le passé. »

 

Où se forgent désormais les convictions ? Qui fait l’opinion politique ?

« La famille, "structure" qui suscite le plus de confiance aujourd’hui dans la vie des individus, joue encore un rôle important dans la maturation de nos opinions. La "filiation" familiale demeure. Néanmoins, nos anciennes boussoles qu’étaient les partis politiques ou les syndicats ne sont plus aussi déterminants, idem pour les médias, noyés dans l’océan de canaux qui diffusent de l’information.

Alors d’autres "aides à la décision" sont nées au cours des dernières années. Les séries ou les films, qui peuvent mettre en lumière de thématiques politiques (on pense aux films Bac nord sur les questions de sécurité, ou Don’t look up sur la crise climatique), et évidemment les réseaux sociaux, dont on sait l’influence très importante dans la diffusion de théories complotistes par exemple. »

 

Dans ce contexte, l’attrait du candidat "neuf" est-il favorisé ?

« À "l’ère Netflix" comme l’a très bien analysé Raphaël Llorca, il y a une prime aux candidats capables de créer de la surprise en permanence, comme dans une série télévisée. Éric Zemmour a su le faire au début de sa campagne, Emmanuel Macron maîtrise aussi très bien cet art de l’inattendu. Il faut être capable de créer l’évènement, être là où on ne vous attend pas afin de braquer les projecteurs sur vous. Néanmoins, dans une époque un peu liquide où les modèles d’antan dont on a parlé juste avant ont eu tendance à disparaître, je crois qu’il y aura demain une prime aux candidats montrant une forme de stabilité à la fois sur le fond et sur la forme. Sur le fond :  ne pas modifier de discours une fois entré en campagne, tenir sa ligne jusqu’au bout. Bref, faire preuve de clarté et de lisibilité. Sur la forme : ne pas modifier dix fois sa stratégie politique. Si les candidats de gauche sont aussi faibles à ce stade, c’est aussi pour cette raison : il y a une insécurité à voter pour des candidats dont vous ignorez s’ils vont s’unir à la fin, s’ils vont aller au bout, s’ils vont décider de telle alliance ou organiser une primaire. Dans une période où il est difficile de se projeter dans l’avenir, la stabilité est gage de sérénité. »