Pourquoi la consommation risque de caler durablement

Un article sur la baisse historique des dépenses des ménages en France.

La consommation des ménages en France a reculé de 0,1 % en 2012. Une baisse modeste mais rarissime dans la France de l'après-guerre. Tout est en place pour que cela perdure.

À elles seules, les dépenses des ménages pèsent pour plus de la moitié du PIB. Problème, ce moteur est au point mort. Depuis l'éclatement de la crise en 2008, la consommation n'a progressé en moyenne que de 0,2 % par an, relève l'Insee. Dix fois moins vite qu'entre 2000 et 2007...
Très net, le ralentissement a affecté les principaux postes de dépenses. Le choc a été parfois brutal. Là où les achats de biens durables augmentaient de 5,3 % par an avant la crise, ils n'ont évolué depuis 2008 que de... 0,6 %. Dans l'habillement ou les loisirs, la consommation ne freine pas : elle recule. La crise contraint les Français à faire des choix.
Peu glorieux, ce tableau pourrait toutefois faire des envieux. Car ailleurs, et principalement dans les pays du sud de l'Europe, la consommation s'est effondrée. Au final, le « modèle » français, avec ses fameux amortisseurs sociaux, aura donc permis de sauver les meubles. Et d'amortir les chocs de la crise.

Mais cette résistance peut-elle encore durer ? Les derniers signes n'ont rien de rassurant : l'an passé, la consommation a reculé de 0,1 %, ont montré les derniers chiffres de l'Insee. Cela n'est pas de nature à changer le diagnostic d'une trajectoire atone mais c'est loin d'être anodin. Même modeste, un recul reste très exceptionnel dans l'histoire de l'après-guerre : cela n'était arrivé qu'une seule fois jusqu'à présent, lors de la récession de 1993.
Le problème est que tous les éléments concourant à un affaiblissement durable de la demande sont en place. Après avoir déjà reculé l'an dernier à un rythme inédit depuis trente ans, le pouvoir d'achat restera sous pression. Le chômage va encore augmenter et les maigres perspectives de croissance (Paris vient d'abaisser ses prévisions à + 0,1 % cette année et + 1,2 % l'an prochain) ne vont pas permettre à l'économie de récréer des emplois de sitôt. La dégradation du marché du travail va également continuer à peser sur le pouvoir de négociation des salariés, contribuant à limiter la progression des salaires.
Qui plus est, le pouvoir d'achat va toujours être amputé par les hausses d'impôts. Ceux-ci ont déjà augmenté de 10 % l'an dernier et ce sont encore quelque 15 milliards d'euros additionnels qui vont venir grever les revenus des Français cette année, préviennent les économistes de Natixis. Car, contrairement aux autres pays de la zone euro, l'effort budgétaire de la France sera plus fort cette année qu'en 2012. Et c'est loin d'être terminé : même décalée à 2014 comme le réclame Paris à Bruxelles, l'obligation de ramener le déficit public sous les 3 % du PIB demandera des sacrifices. Certains économistes s'inquiètent déjà des conséquences sur la demande d'une mise sous conditions de revenus des allocations familiales, tandis que d'autres réformes (retraites...) se profilent. […]

Dans ce contexte, la résistance de la consommation ne tient plus qu'à un fil : celui du comportement d'épargne. Pour contrecarrer la baisse de leur pouvoir d'achat et maintenir peu ou prou un certain volume de dépenses, les ménages ont récemment mis moins d'argent de côté. Pour preuve, le repli de consommation a été moins fort que celui du pouvoir d'achat en 2012 (respectivement - 0,1 % et - 0,4 %).
Retombé à 15,6 % du revenu disponible brut, le taux d'épargne reste encore élevé par rapport à nos voisins européens et supérieur à son niveau d'avant-crise. De quoi laisser supposer qu'il y a encore un peu de marge de manœuvre. Inversement, bien des éléments plaident pour que, si baisse de l'épargne il y a, celle-ci reste très modeste : les Français ont le moral dans les chaussettes et jamais, depuis l'été 2009, ils n'ont été aussi nombreux à craindre une augmentation du chômage. La perspective sans cesse repoussée d'une sortie du tunnel n'a pas franchement de quoi inciter ceux qui ont pu se constituer une épargne de précaution à lâcher la bride. Bien au contraire... »