Le procès géant du "cartel des camions" s'ouvre à Munich

Cet extrait d'un article du Monde permet d'analyser le "cartel des camions" qui a concerné six grands constructeurs européens, accusés par la justice de s'être entendus sur le prix de vente de leurs poids lourds.

L’acte d’accusation, long de 18 000 pages, énumère les griefs de 7 000 plaignants, qui réclament en tout plus de 800 millions d’euros de dommages et intérêts : c’est un procès hors normes qui s’ouvre, jeudi 24 octobre, au tribunal régional de Munich. Emmenés par Financialright, un prestataire allemand de services juridiques, des milliers de sociétés de logistique ont assigné en justice six des principaux constructeurs européens de poids lourds (Daimler, Volvo-Renault, MAN, Iveco, DAF et Scania) à propos de 85 000 camions qu’ils auraient vendus à des prix illégalement majorés.

Pendant quatorze ans, entre 1997 et 2011, les six groupes se sont entendus sur les prix des véhicules. Après la découverte du "cartel des camions" par les autorités européennes, la Commission a infligé aux six groupes impliqués, en 2016 et 2017, des amendes record d’un montant total de 3,8 milliards d’euros. Mais, en Allemagne, des milliers de clients des constructeurs cherchent encore à obtenir réparation pour le préjudice subi.

Le procès géant de Munich s’annonce long et complexe. Pour les acheteurs de poids lourds, il n’y a aucun doute : le cartel a gonflé les prix. Mais encore faut-il pouvoir le prouver. "Un camion n’est presque jamais identique à un autre", explique Martin Bulheller, porte-parole du BGL, la fédération allemande des sociétés de fret et de logistique, qui s’est associée à la plainte de Financialright. "Les cahiers des charges sont fortement individualisés et le prix fait souvent l’objet d’une négociation au moment de la vente", souligne-t-il.

Et quand bien même les prix de vente auraient été artificiellement augmentés, comment estimer le montant du préjudice ? Le prestataire des plaignants a mandaté une expertise de Roman Inderst, professeur d’économie à l’université Goethe de Francfort. Ce dernier estime que les clients ont effectivement subi des surcoûts allant jusqu’à 10 %.